DELACHAUX, FEUILLES DE MONTMARTRE, 1888 – 1919
« M. Delachaux, coloriste, même avec le crayon noir »
Journal de Genève, 12 février 1889
En 1888, le peintre Léon Delachaux s’installe à Paris, rue Durantin, au pied de la butte Montmartre. Il gardera jusqu’à sa mort ce pied-à-terre modeste qui lui sert d’atelier et, plus tard, de port d’attache entre ses villégiatures.
Il se mêle à la vie du village où les familles d’artisans et d’ouvriers cohabitent avec les artistes du Bateau-Lavoir.
Clarence, son fils unique, étudie au lycée Chaptal. Léon expose en France, en Suisse, en Europe, aux États-Unis. Mais c’est au Louvre qu’il se sent appelé, écrit-il à son ami peintre saint-amandois Théogène Chavaillon : « Je commence à sentir le besoin de revoir un peu le Louvre c’est si beau et l’on est si bien chez soi dans ces belles salles parmi ces chefs d’œuvre. » (1)
L’ensemble de son œuvre en témoigne, Léon Delachaux est un peintre de l’intimité. Ses feuilles et carnets nous révèlent son attention assidue à ce qui est vivant et le touche.
De multiples dessins de lui nous sont connus de ses haltes dans les rues, les squares, où il croque inlassablement ceux qu’il voit : conversations, scènes de famille, moments volés… Même malade : « je suis encore cloué dans mon lugubre atelier je passe mon temps à dessiner ! » (2)
Son sens de l’observation, son goût pour la vie simple sont tout entier présents dans les esquisses réalisées au square Saint-Pierre dans les années 1890.
L’intérêt que Léon Delachaux porte à la représentation rigoureuse du paysage urbain nous est connu par des dessins très aboutis représentant la rue Saint-Vincent ; ses contreforts puissants abritent toujours les vignes du Clos-Montmartre depuis le Xe siècle.
D’autres représentent la rue de l’Abreuvoir, qu’évoque Gérard de Nerval, dès 1854 : « Ce qui me séduisait avant tout dans ce petit espace abrité par les grands arbres du château des Brouillards, c’est […] le voisinage de l’abreuvoir qui, le soir, s’anime du spectacle des chevaux et des chiens que l’on baigne. ».
Ses chèvres, ébauchées à l’aquarelle, nous rappellent que la Butte était la campagne.
En 1889 – année de l’Exposition Universelle – Buffalo Bill débarque en France avec des centaines d’hommes et de chevaux pour présenter son « Wild West Show » et installe son campement sur la Butte. Une aquarelle de Delachaux, dédicacée à son ami François Guiguet (1860-1937) représente ce lieu historique, comme l’indique la mention manuscrite, au verso de la feuille :
« Vue prise rue Caulaincourt où Buffalo, le voleur, demeurait, avant les constructions. »
François Guiguet et Léon Delachaux, tous deux montmartrois, sont voisins et deviennent amis.
Ils correspondent régulièrement jusqu’en 1918. Leurs échanges nous révèlent l’importance qu’ils accordent au dessin. Ils exposent ensemble au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts, salués par la critique : « M. Guiguet, (…) une vérité d’analyse qui va parfois jusqu’à l’indiscrétion. Ses dessins à la sanguine sont parmi les plus beaux que l’on connaisse dans l’école contemporaine, avec ceux de Dagnan-Bouveret et de M. Delachaux. » (3) et (4)
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(1) : Lettre de Léon Delachaux à Théogène Chavaillon, de Saint-Amand-Montrond, le 18 janvier 1906. Archives Chavaillon.
(2) : Lettre de Léon Delachaux à Théogène Chavaillon, de Paris, rue Durantin, le 8 ou 9 mars 1902. Archives Chavaillon.
(3) : Léandre Vailéat, « Au sujet des Salons de 1912 », Le Correspondant, 1912, 84ème année, tome 247, Paris, Bureaux du Correspondant, p. 71.
(4) Pascal Dagnan-Bouveret (1852-1929) fut le maître de Léon Delachaux entre 1883 et 1884.
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